Au non de toutes les peurs

Quelle surprise!! J'en tremble encore. Nous sommes au bord du cataclysme. Pensez donc, pour la première fois le non à la Constitution Européenne arrive en tête d'un sondage*. Ouf... attendez je vérifie que mon passeport est à jour avant de poursuivre. Eh oui mes amis, il va falloir penser à quitter l'Union si le non l'emporte, enfin si l'on en croit les fervents défenseurs du oui. Sarkozy et Hollande, de concert, ne cessent de le répéter, un non français et c'est l'Europe qui implose.
Tout d'abord une petite précision. Un non à la constitution ne priverait pas l'UE de texte directeur puisque nous nous appuyons actuellement sur le Traité de Nice. Le Parlement de Strasbourg ne disparaîtrait pas comme par enchantement, et la Commission de Bruxelles poursuivrait ses travaux, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige.
Non ce qui me chifonne, c'est qu'une nouvelle fois la peur est utilisée pour inciter les électeurs à voter dans un certain sens. Comment peut-on instaurer un débat constructif et instructif en criant au loup à tout bout de champ? Dois-je rappeler qu'un scrutin est, certes, basé sur l'affrontement des opinions (entraînant souvent il est vrai des dérives électoralistes où tous les coups sont permis, c'est de bonne guerre), mais surtout sur la possibilité de proposer, dans le cas d'un référendum, deux réponses acceptables à une question. Sinon pourquoi appeler les citoyens à voter?
Oui mais voilà, la peur est très utile pour manipuler les foules. La peur n'incite pas à la réflexion. Elle renvoie l'individu à ses instincts les plus primitifs. Jetez un coup d'oeil à la télévision américaine : alertes permanentes aux attentats, arrestations musclées en prime time, stygmatisation des minorités ethniques... On s'étonne après que ce pays ait accepté de déclencher une guerre sous couvert d'arguments qui se sont avérés par la suite complètement faux.
La peur serait donc un remède miracle pour les anorexiques puisqu'elle permet d'avaler n'importe quoi avec en plus le réconfortant sentiment du devoir accompli. Le sexe ne fait plus vendre, la peur oui. Le slogan de campagne de Sarkozy (mais aussi de Hollande) pour le oui à la constitution européenne pourrait de ce fait être le suivant : TREMBLEZ FACE AU NON, MAIS N'OUBLIEZ PAS DE CONSOMMER POUR RELANCER LA CROISSANCE!!

Non, l'idée d'un rejet du texte de Giscard ne doit pas faire peur, mais au contraire redonner tout son sens au débat politique, si c'est encore possible. Car la peur du non me fait penser à cette peur ancestrale de l'inconnu, de celle qui a de tous temps fait s'enfermer les hommes derrière de hautes murailles, qu'elles soient physiques ou psychologiques, barrant la route à toute évolution. Ca fout les jetons non?...

*Selon un sondage CSA pour le Parisien, le non à la Constitution Européenne l'emporterait avec 51% des voix contre 49% pour le oui.